La Licorne
La licorne est à la mode. C’est un fait, elle est partout. Même Léonard de Vinci en a dessiné !
Mais d’où vient cet étrange animal qui fait fureur tant dans les magasins pour enfants que dans les œuvres d’art ?
Héritée de l’antiquité, la licorne semble avoir toujours fasciné les hommes. D’orient en occident, des grottes de Lascaux, 17000 ans avant JC, aux livres de Harry Potter publiés dans les années 2000, la licorne hante l’imaginaire humain.
La licorne antique
Animal hybride qui se caractérise par cette corne unique au milieu du front on la retrouve selon les époques et les cultures comme le mélange d’animaux extrêmement divers : mélange d’âne sauvage, de cerf, d’antilope, de chèvre ou de bouc, voire de bœuf, de rhinocéros et même d’éléphant !
Une des premières mentions textuelles de cette étrange bête est faite par Ctésias, médecin grec avant vécu au Ve siècle avant notre ère à la cour de rois perses. Il décrit un animal qu’il nomme monokeros, vivant en Inde (où il n’a jamais été) qui serait une sorte d’âne sauvage, plus grand qu’un cheval au pelage entièrement blanc à l’exception de la tête, qui est pourpre, et de sa corne qui est blanche à sa base, noire au milieu et rouge vers l’extrémité. Voilà qui est original !
Se basant sur ces descriptions et quelques autres textes qui suivirent, Aristote, Pline et à leur suite, les textes bibliques confirmèrent l’existence de cet animal hybride ressemblant plus ou moins à un cheval, et doté d’une unique et longue corne au milieu du front et d’une petite barbe blanche. Avec le temps, son pelage blanchit, pour n’être plus qu’entièrement immaculé.
Évolutions médiévales
Aux XIIe et XIIIe siècle de nombreux bestiaires apparaissent en France et en Angleterre, remplaçant en quelque sorte les histoires naturelles de l’antiquité en apportant une dimension très différente à cette étude du règne animal : la dimension symbolique. Bien qu’essentiel, ce sens nouveau n’est pas toujours clairement délimité, et de nombreux animaux peuvent être à la fois des images du bien ou du mal. C’est le cas de la licorne.
Dans sa version positive, on dit que sa corne a pour vertu principale d’éloigner les démons et de purifier tout ce qu’elle touche. « La licorne vit en Inde, solitaire, dans la forêt. Elle déteste être vue et, plus encore, approchée. La capturer n’est pas aisé. Non seulement l’animal est farouche, orgueilleux et brutal, mais sa rapidité à la course rend vaine toute poursuite. Elle se joue des obstacles placés sur son chemin et peut faire des bonds plus hauts qu’une maison. Elle ne se lie guère avec les autres animaux, sauf avec la tourterelle, qui est son amie, et sous le nid de laquelle elle aime venir se coucher. Tous les animaux la respectent cependant et viennent la remercier lorsqu’avec sa corne elle a purifié l’eau empoisonnée d’une source ou d’une rivière. Ses deux seuls ennemis sont le dragon qui la hait et la craint et l’éléphant dont elle passe pour être jalouse. Elle les combat tous les deux avec sa corne et avec ses sabots aiguisés comme des lames. »
La licorne n’est donc pas qu’un gentil cheval cornu mais un être doté de redoutables armes de défense qu’elle utilise parfois pour attaquer. Ainsi, elle peut être une créature monstrueuse et sauvage, à combattre, ou au contraire un symbole de pureté admirable.
Vous y réfléchirez donc deux fois avant d’offrir une licorne à vos enfants pour noël… D’ailleurs, il n’a pas fallu attendre le consumérisme du XXIe siècle pour faire de la licorne un produit de consommation. Déjà au moyen-âge, c’était un best-seller !
En effet, s’il est un élément sur lequel tout le monde s’accorde, c’est le pouvoir de sa corne. Ainsi, au fil du temps le commerce de la corne de licorne s’amplifie au point qu’au XVe siècle tout trésor royal, princier ou ecclésiastique se doit d’en posséder un exemplaire. Généralement, il s’agit d’une corne de narval que des commerçants malins mettent sur le marché à prix d’or.
On raconte que pour obtenir un tel objet, le chasseur doit recourir à la ruse car attraper une licorne ne se fait pas sans mal. L’animal serait attiré par l’odeur de la virginité, dit-on. La chasse à la licorne consiste alors à installer une jeune vierge dans une clairière et à laisser la licorne venir à elle. Alors qu’elle s’agenouille devant la pucelle et s’endort la tête sur ses genoux ou sur son sein, le chasseur sort du bois et tue traitreusement l’animal.
La Licorne dans l’histoire de l’art
La chasse à la Licorne devient alors un sujet très à la mode. Souvent représentée, dans des enluminures ou dans de nombreuses tapisseries, c’est sans doute le sujet de ce dessin de Léonard de Vinci. Couchée à côté de la jeune femme qui la désigne du doigt, la licorne apparait comme la cible innocente. Ou alors… ou alors, une fois encore nous sommes dans une de ces situations ambivalentes que le moyen-âge affectionne. Oui, oui. Même si nous parlons ici de Léonard de Vinci !
1. Les secrets de la licorne, Michel Pastoureau et Elisabeth Delahaye, RMN, 2013